jeudi 26 septembre 2019

Expositions futures  |  zukünftige Ausstellungen

Projet Bourbaki
      Le projet Bourbaki que j'ai débuté en 2016 en m'installant dans mon nouvel atelier aux Verrières, à quelques pas de la frontière franco-suisse, fera l'objet d'une exposition au Château de Joux et au musée de Pontarlier (F) l'année prochaine. J'ai d'emblée abordé l'épisode historique de la retraite de l'armée de l'Est et de son internement en Suisse en février 1871 par son aspect humain. Les livres traitant de la guerre de 1870 mettent presque tous l'accent sur les énormes capacités de ces soldats à braver le froid, la faim et la pression des Prussiens. Mal équipés et mal approvisionnés, ils trouvaient néanmoins en eux assez de fierté pour combattre. Marchant dans la neige à des températures bien en-dessous de zéro, poursuivis par les Prussiens, ils n'eurent d'autre choix que de demander l'asile à la Suisse.
      En deux jours en effet, près de 80'000 soldats furent désarmés puis envoyés dans toute la Suisse où ils furent hébergés et soignés. Même s'il est très différent par bien des aspects, cet événement devait logiquement et humainement être mis en parallèle avec la situation des migrants actuels.
      L'exposition montrera des peintures sur toile, des dessins au fusain sur papier et des livres d'artiste. Deux grandes salles voûtées de l'ancien casernement du Château de Joux serviront de cadre à ce projet.

Exposition du samedi 6 juin au dimanche 27 septembre 2020
Château de Joux et Musée de Pontarlier (F) 


     Das Bourbaki-Projekt, das ich 2016 in meinem Atelier in Les Verrières, unweit der französisch-schweizerischen Grenze begonnen habe, wird im nächsten Jahr Gegenstand einer Ausstellung im Château de Joux und im Musée de Pontarlier (F). Die menschlichen Aspekte des Rückzugs der Ostarmee und dessen Internierung in der Schweiz im Februar 1871 beeindrucken mich sehr. Die Bücher über den Krieg von 1870 betonen fast alle die enormen Fähigkeiten dieser Soldaten die Kälte, Hunger und Feinddruck zu trotzen. Schlecht ausgestattet und versorgt, fanden sie in sich selbst genug Stolz, um trotz allem zu kämpfen. Im Schnee bei weit unter Null Grad, von den Preußen verfolgt, hatten sie keine andere Wahl, die Schweiz um Asyl zu bitten.
     In zwei Tagen wurden fast 80'000 Soldaten entwaffnet und in der ganzen Schweiz verteilt, wo sie untergebracht und betreut wurden. Obwohl die Situation in vieler Hinsicht mit der Situation der gegenwärtigen Migranten sehr unterschiedlich ist, müssen diese zwei Ereignisse logisch und menschlich verglichen werden.
     In der Ausstellung werden Gemälde auf Leinwand, Kohlezeichnungen auf Papier und Künstlerbücher gezeigt. Zwei große gewölbte Räume der ehemaligen Kaserne des Château de Joux bilden den Rahmen für dieses Projekt.

Ausstellung vom Samstag, 6. Juni bis am Sonntag, 27. September 2020
Château de Joux und Musée de Pontarlier (F)

mardi 3 septembre 2019

Lettre ouverte à Thomas Hirschhorn


Bonjour Thomas
Je te tutoie car nous avons le même âge et je pratique la peinture. J'ai visité ta "sculpture Robert Walser" samedi passé. Il faisait chaud. J'ai cherché un endroit où me poser pour écrire mes impressions. J'ai dû faire un gros effort pour m'asseoir à l'ombre sur l'un de tes nombreux canapés emballés de scotch brun, ta marque de fabrique. C'est que je n'aime pas trop ce matériau. Non seulement il est polluant, mais il fait aussi socialement correct parce que faire comme les plus démunis de la planète fait "bon ton" aujourd'hui.
Ton art est monumental. L'art monumental est intimidant. En effet, que peut-on, comme passant, contre cette masse qui nous fait obstacle? Je me suis senti écrasé. C'est comme s'opposer à une forteresse. Robert Walser que j'ai beaucoup lu moi aussi, était timide, pas intimidant. Je ne suis donc pas certain qu'il aurait aimé cet hommage que tu prétends lui rendre. Dans une vidéo, tu affirmes "vouloir faire aimer Robert Walser à la population biennoise". N'est-ce pas se tromper sur l'art lui-même que de prétendre cela? Dans quelques années, une radio-trottoir demandera aux passants qui est Robert Walser. Et on aura pour réponse: « Ah! celui qui a construit ce truc en bois devant la gare?». Ta sculpture me fait penser au crucifix que les curés écrasaient sur le nez des enfants pour leur intimer l'ordre d'aimer dieu.
Et c'est faire injure à la personne de Robert Walser que de proposer l'impression d'un de ses microgrammes. J'ai en tête l'exposition sur le "Territoire du crayon de Robert Walser" à la Fondation Martin Bodmer en 2006 à Genève qui présentait ces étranges microgrammes que Robert Walser a écrits au crayon, dans le silence de sa chambre de Berne après avoir mangé seul, un plat d'émincé accompagné d'une bière dans la brasserie proche sous les arcades. Plutôt que le cours d'espéranto, les affiches-trottoir A5 agrafées sur la rambarde d'une passerelle, le bassin d'eau, l'atelier de peinture, j'aurais préféré un concours pour écrire minuscule. Le plus petit possible.
Les personnes que tu invites dans ta sculpture, ne les instrumentalises-tu pas? Ravis d'être là, ils ne te feront jamais aucune objection. Ce sont des alliés faciles et tu te mets ainsi à l'abri des questions embarrassantes.
Après Duchamp qui avait fait de l'éradication de toute imprévisibilité le thème central de sa pratique artistique, l'art conceptuel d'aujourd'hui a fait de cette imprévisibilité même sa norme absolue qui est devenue le cadre désormais "correct" et uniforme à l'aune duquel on juge tout acte artistique. Mais plus on élargit, plus on rétrécit aussi.
Ta sculpture massive occupe le terrain, et le terrain de ta sculpture est occupé par des graffitis où il ne reste plus guère de place où apposer un autre graffiti. Tu as bien fait les choses. Le moindre ajout resterait invisible.
J'ai pensé un instant en faire une lettre anonyme, retirant ainsi par anticipation à d'éventuels contradicteurs et à toi-même la possibilité de m'objecter de chercher à mon tour la notoriété en publiant cette lettre. Ce serait lâche de ma part, ce d'autant plus que j'assume et que je défends mes propos.
Je te souhaite une belle fin d'exposition.
Laurent Guenat 

(Cette lettre ouverte a été publiée par l'hebdomadaire bilingue Biel-Bienne les 11/12 septembre 2019)