samedi 13 mai 2023

Pourquoi scier à la main ?

On me propose une tronçonneuse pour couper mes bûches.
Et on ne comprend pas pourquoi je refuse.


Premièrement, je n’oublie pas que les Grecs anciens appelaient tout objet technique un pharmakon. C’est-à-dire à la fois un remède et un poison. Aujourd’hui encore, tout objet technique présente au moins ces deux aspects, l’un bénéfique, l’autre néfaste. Il en va ainsi avec les médicaments qui présentent presque tous des effets secondaires plus ou moins négatifs, comme de la voiture qui transporte, pollue et fait du bruit. La tronçonneuse aussi, fait beaucoup de bruit, est dangereuse et pollue ou consomme du courant électrique. Avec la portée croissante des effets de la technique est apparu le principe de précaution pour permettre de penser l’utilité de la technique et tenter d’éviter les catastrophes à large échelle. 


D’autre part, la possession ou la présence même de l’objet technique incite à son utilisation. Cela veut dire que l’objet technique que nous avons à portée de main dépossède de la pensée liée à son utilisation. Il est là, donc je l’utilise. Sa présence court-circuite la pensée que nous pourrions ne pas y avoir recours. Il en va ainsi du robot ménager comme de la voiture, de la souffleuse à neige ou de l’ordinateur. En ceci, l’objet technique éloigne de soi les gestes qui nous attribuaient un savoir-faire. Le robot ménager fait perdre l’usage du fouet, geste ancestral qui nous relie à la mayonnaise ou à la sauce que nous sommes en train de confectionner, car le fouet qui prolonge la main nous renseigne sur la viscosité de la matière remuée. La voiture nous désapprend à marcher, la souffleuse à neige nous empêche de penser qu'à cet endroit-là la neige peut éventuellement fondre et disparaître toute seule, l’ordinateur nous fait perdre l’usage de la plume pour écrire une lettre et le risque de la faute d’orthographe que l’on pourrait commettre; il dissipe par conséquent notre concentration puisque le logiciel prend en charge la correction orthographique. Ce constat se répète à toutes les échelles. L’armée d’un pays étant aussi un objet technique, le pays va donc l’utiliser. L’actualité nous en livre des exemples éloquents.


En ayant recours à la scie égoïne pour partager mes bûches, je touche le bois et j’en apprends par conséquent la texture, l’effort physique me réchauffe et j’aurai donc besoin de moins de bois pour chauffer la pièce. Le temps du sciage est aussi un précieux temps de réflexion où s’élaborent des idées qui n’auraient pas pu surgir, la tronçonneuse abrégeant le temps de sciage. Avec la scie manuelle je fais moins de bruit, je n’utilise aucun combustible fossile, je m’accorde un temps de réflexion et je me réchauffe.

A qui m'adresse la remarque qu'en allant plus vite elle ou il gagne du temps, je demande à quoi est utilisé le temps gagné. Parfois, je fais aussi observer que l'on confond, aujourd'hui, vitesse et urgence qui sont deux notions opposées, la première purement quantitative, la seconde qualitative.



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