ARTY SHOW (suite 2)
arty-show a été verni jeudi 6 décembre 2018.
L'exposition se déroule jusqu'au 6 janvier | le site arty show
Chez Dick Optique, Av. Léopold-Robert 64, La Chaux-de-Fonds | le site de l'opticien
samedi 8 décembre 2018
samedi 1 décembre 2018
ARTY SHOW (suite)
arty-show s'est terminé à Bienne aujourd'hui samedi 1er décembre 2018.
Dès le 6 décembre 2018, je serai présent à arty-show La Chaux-de-Fonds chez Dick Optique, Av. Léopold-Robert 64.
Vernissage jeudi 6 décembre 2018 de 17 à 19 heures.
du 6 décembre 2018 au 6 janvier 2019 | le site arty show
arty-show s'est terminé à Bienne aujourd'hui samedi 1er décembre 2018.
Dès le 6 décembre 2018, je serai présent à arty-show La Chaux-de-Fonds chez Dick Optique, Av. Léopold-Robert 64.
Vernissage jeudi 6 décembre 2018 de 17 à 19 heures.
du 6 décembre 2018 au 6 janvier 2019 | le site arty show
Dans l'attente d'arty-show La Chaux-de-Fonds, les photographies de la vitrine de Bienne.
mercredi 24 octobre 2018
ARTY SHOW
Cette manifestation qui vise faire collaborer un commerçant et un artiste - celui-là mettant ses vitrines à disposition, celui-ci y installant des oeuvres - en est à sa troisième édition à La Chaux-de-Fonds et inaugure une première édition à Bienne. Je participerai aux deux manifestations - en novembre à Bienne et en décembre à La Chaux-de-Fonds - avec le même projet:
J'y présenterai des yeux peints ou plutôt des regards peints à l'huile au cours de l'hiver dernier. Je propose ainsi aux passants-consommateurs leur propre regard les regardant regarder car on ne se voit jamais acheter.
Cette manifestation qui vise faire collaborer un commerçant et un artiste - celui-là mettant ses vitrines à disposition, celui-ci y installant des oeuvres - en est à sa troisième édition à La Chaux-de-Fonds et inaugure une première édition à Bienne. Je participerai aux deux manifestations - en novembre à Bienne et en décembre à La Chaux-de-Fonds - avec le même projet:
ça me (re)-garde
J'y présenterai des yeux peints ou plutôt des regards peints à l'huile au cours de l'hiver dernier. Je propose ainsi aux passants-consommateurs leur propre regard les regardant regarder car on ne se voit jamais acheter.
Arty Show Bienne | 1.11.2018 - 1.12.2018 | www arty show Biel-Bienne
Je serai l'invité de
Venus Furniture, Rathausgässli 1 Ruelle de l’Hôtel de Ville, 2502 Biel/Bienne
Vernissage: jeudi/Donnerstag 1.11. 2018 | 17 - 19 h
Arty Show La Chaux-de-Fonds | 6.12.2018 - 6.01.2019 | arty-show-chx-de-fonds
Je serai l'invité de
Dick Optique, Av. Léopold-Robert 64, CH-2300 La Chaux-de-Fonds
Vernissage: jeudi 1er décembre 2018 | dès 17 h
Je serai l'invité de
Venus Furniture, Rathausgässli 1 Ruelle de l’Hôtel de Ville, 2502 Biel/Bienne
Vernissage: jeudi/Donnerstag 1.11. 2018 | 17 - 19 h
Arty Show La Chaux-de-Fonds | 6.12.2018 - 6.01.2019 | arty-show-chx-de-fonds
Je serai l'invité de
Dick Optique, Av. Léopold-Robert 64, CH-2300 La Chaux-de-Fonds
Vernissage: jeudi 1er décembre 2018 | dès 17 h
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jeudi 23 août 2018
Expositions en cours et futures | Aktuelle und zukünftige Ausstellungen
Je montre trois grandes têtes au fusain et mine de plomb sur papier (150 x 110 cm) dans l'exposition suivante:
3 artistes bernois
Martina Lauinger | Lisa Notter | Nick Röllin
exposent avec des artistes du groupe
R-ART
Commissaire de l'exposition: Pierre-André Delachaux
25.8 – 16.9.2018 | Pension Beauregard, 2114 Fleurier
me-di 14 - 18 h | Mi-So 14 - 18 h
Catherine Aeschlimann
Jean-Marie Bidet
Alessandro Chianese
Roger Frasse
Benjamin Jendly
Dominique Lévy
Marie-Claire Meyer
Alina Mnatsakanian
Christine Supersaxo
Laurent Guenat
Vernissage samedi 15.9.2018
16 - 19 h
5.4. - 12.5.2019
CCL Centre de Culture et Loisirs St-Imier
François Schneider (céramique) | Laurent Guenat (peinture)
Catherine Aeschlimann
Jean-Marie Bidet
Alessandro Chianese
Roger Frasse
Benjamin Jendly
Dominique Lévy
Marie-Claire Meyer
Alina Mnatsakanian
Christine Supersaxo
Laurent Guenat
Vernissage samedi 15.9.2018
16 - 19 h
5.4. - 12.5.2019
CCL Centre de Culture et Loisirs St-Imier
François Schneider (céramique) | Laurent Guenat (peinture)
lundi 12 mars 2018
Projet Bourbaki - Les livres d'artiste
La bibliothèque de carton de Laurent Guenat
Près de cent-cinquante ans plus tard, Laurent Guenat revisite l’histoire franco-suisse de cette région. Les lectures aident, le paysage est clé. Pour s’imprégner du sujet, quoi de mieux que de marcher dans les pas de ces soldats, sous-équipés, sous-ravitaillés, obligés de passer l’hiver dans des conditions précaires et de ne dépendre que de la bonté des autres ? Pour Anselm Kiefer, l’Histoire […] est un matériau comme le paysage ou la couleur et ce n’est pas Laurent Guenat qui le contredira.
C’est ainsi que le projet Bourbaki prend forme.
Articulé en deux parties interdépendantes, le travail de Laurent Guenat sur l’épisode Bourbaki débute par des considérations historiques mises sur papier et continue avec une réflexion sur la situation de réfugiés d’alors et d’aujourd’hui.
Laurent Guenat peint. Il peint en relief parfois car il aime la matière (voir «Laurent Guenat au pays des Bourbakis» de Géraldine Veyrat). De son propre aveu, il respecte trop la toile. Pour laisser sa main réfléchir, ou pas, il a besoin d’un autre support. Entrent alors en jeu les livres d’artistes qu’il fabrique depuis les années 90. Là, il se sent libre. Ces livres sont, pour la plupart, en carton. L’artiste découpe cette matière d’emballage qu’il a sous la main et la lie avec des chutes de toile. Tout suppose le jetable dans ces créations. Cela donne des objets épais mais légers et volumineux. Il y a quelque chose de déstabilisant dans la prise en main d’un livre pareil : nous connaissons les codes pour le manier mais la sensation est tout autre, comme manipuler un livre pour enfant XXL. Cette impression se dissipe vite alors que les pages sont tournées avec avidité et que l’on suit la pensée de l’artiste. Mais peut-être n’est ce qu’une illusion et que c’est la nôtre qui se déroule en réalité devant nous.
Chacun des livres d’artiste de Laurent Guenat, dix-neuf à ce jour pour le projet Bourbaki, est une période créatrice contenue sur du carton. Loin d’être linéaires, ils se veulent constitués d’instants. Pour les peupler, l’artiste part facilement d’une image ou d’une pensée. Et s’il affirme que ses livres sont ses laboratoires, ce sont aussi des parties intégrantes de son projet Bourbaki, interagissant constamment avec les toiles et inversement.
« Empreinte », trace naturelle laissée par un contact, par la pression d’un corps sur une surface. Elle suppose aussi le vide et le passage. On la reconnaît dans Bivouac (2016).
La neige, le froid, les vaines tentatives de se réchauffer, toutes ces sensations sont palpables dans ce livre qui voit défiler des restes de feux de camps, alors que les soldats qui les ont montés, probablement à la hâte, ont dû les abandonner de la même manière. Ce livre est la porte d’entrée idéale pour aborder la présence de la matière végétale dans le travail de Laurent Guenat. Puiser dans la nature lui permet de trouver l’expression et la fidélité à l’expérience vécue par ces hommes nécessaires à son propos. Des brindilles recueillies, du bois, des végétaux séchés, calcinés en tout genre; Bivouac est froid et chaud à la fois. Et cette phrase : un bivouac c’est deux sapins un pour dormir un pour chauffer, clôt la démonstration.
De la matérialité toujours avec Fantômes (2017) dont les visages morcelés ne sont rendus que plus expressifs par le poème qui leur est associé : « Parmi les disparus il y avait ces visages engloutis par la neige […] ». On entre dans la vraie tragédie de l’épisode Bourbaki, la mort. Pour arriver à ce résultat plastique, l’artiste utilise un mélange de plâtre et d’acrylique par la suite peint à l’huile qui, une fois sec, peut être déchiré en lambeaux, rendant ces visages partiels et lacérés. Ceux-ci sont peut-être une tentative pour Laurent Guenat de sortir du paradigme de représentation des « trois trous », à savoir deux yeux et une bouche, qui nous aide à représenter un visage. Mais c’est aussi la multitude de ces formes qui aide quiconque tournant les pages de cet opus à se figurer que la prochaine découverte sera à nouveau un visage disloqué, brisé.
La multitude, justement.
L’un des livres les plus ambitieux de l’artiste, 87000 contient symboliquement, par une centaine de pages, chacune des têtes des soldats qui formait l’immensité de l’armée de 87000 hommes du Général Bourbaki. Comme pour rappeler que derrière les chiffres presque trop grands pour l’entendement, il y a une singularité propre à chaque être. Laurent Guenat se lance un nouveau défi au milieu de sa réalisation : dessiner de la main non-dominante, la gauche en l’occurrence. Seul moyen pour lui d’éviter un dessin trop poussif et volontaire qui ne correspondrait en rien à son sentiment. D’après les mots de l’artiste, ce fut une révélation :
« La réputée main maladroite se montra bien plus adroite que l’autre à
saisir les émotions et les images psychiques que je me faisais de ces
soldats. Ainsi, chaque jour, je réalisai quatre ou six têtes, selon qu’il y
avait du soleil et que l’encre de Chine séchait plus vite ».
On l’a vu, Laurent Guenat ne rechigne pas à utiliser des chutes de tissus et d’autre éléments délaissés pour y matérialiser ses pensées. Mais pas que. L’album de famille richement paré de cuir y passe aussi et se voit recouvert d’une épaisse couche de plâtre ! Voici Scènes. À l’intérieur, on trouve des dessins inspirés de lectures et de gravures d’époque comme celles de Rodolphe Auguste Bachelin. Ces modèles sont assimilés et la fertile imagination de l’artiste fait le reste. Le résultat ? Des personnages, souvent seuls, parfois accompagnés, quelques paysages. Un moment convivial se laisse surprendre par-ci par-là au milieu de ces instants chapardés au quotidien des soldats.
On y retrouve d’ailleurs le fauteuil vide qui deviendra la peinture CHAISE, 123 x 173 cm, 2017.
L’actualité
La question du parallèle entre les soldats de l’armée de l’Est et les réfugiés – à la situation plus permanente – s’est posée dès le début pour Laurent Guenat mais il ne l’aborde dans son travail que dès 2017 avec El dorado. Ce livre nous plonge dans les lieux de transit qui font le quotidien des gens en fuite. Mais l'El dorado, avec ses promesses lumineuses et ses vitrines étincelantes, reste vide. Et si l’artiste nous introduit dans ces espaces dans l’espoir que nous y trouvions un refuge et de la bienveillance, au fur et à mesure que les pages se tournent, c’est plutôt la peur de se faire découvrir et renvoyer qui préside pour le lecteur.
Dans No Home, ces mêmes espaces se font plus menaçant, s’emplissent de barrières et de signes en interdisant le passage, la notion de contrôle y est très présente. Nous connaissons pourtant ces tourniquets typiques des aéroports, mais sans passeport, c’est la porte fermée. On remarque la présence de l’anglais, la langue utilisée lorsque l’on veut augmenter ses chances de se faire comprendre rapidement. Le désespoir monte alors que les grandes majuscules indiquant tout d’abord « NO WAY se transforment en « NO WAY BACK ».
Pour clore la deuxième partie de ce projet Bourbaki sur la situation mondiale actuelle, Laurent Guenat a réalisé récemment Honte, Schante, Shame où le plurilinguisme du titre rappelle que c’est un sentiment que nous partageons tous à la vue de cette situation stagnante.
Le propos des livres de Laurent Guenat est si frappant et nous entrons si facilement dans leur univers qu’on en oublierait la technique qui leur a fait voir le jour. Si, parfois, le dessin se veut très descriptif, la force de Laurent Guenat réside ailleurs, dans la force d’évocation de son trait, dicté par un ressenti intellectualisé.
Jessica Mondego
Pour trouver plus d'informations relatives à l'épisode historique des "Bourbakis": Association Bourbaki Les Verrières
Libellés :
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réfugiés
dimanche 26 novembre 2017
OOO Object Oriented Ontology
C’est le titre de l’exposition
qui se tient actuellement et jusqu’au 21 janvier 2018 à la Kunsthalle Basel. Le
commissaire de l’exposition, l’artiste et architecte Andreas Angelidakis, a
sélectionné les œuvres sur la base des sites internet et de dossiers d’artistes
issus de la région trinationale autour de Bâle. Deux de mes peintures y sont
exposées.
Le visiteur y découvre un
hétéroclite déconcertant. Les œuvres y sont accrochées de manière
conventionnelle sur les cimaises, mais aussi en hauteur et en largeur proches
les unes des autres sur des échafaudages constitués de poutrelles de bois. J’ai
circulé dans les salles, un peu perturbé par ces enclos qui, à mes yeux,
soulignent certes l’intention du commissaire, mais ont fait, pour moi, barrage
à la lecture des œuvres. Au-delà du choix des œuvres qui est personnelle au
commissaire – mais qui m’ont dans l’ensemble paru de qualité moyenne –, il
m’est apparu une question intéressante soulevée par cet accrochage hors du
commun.
Nous sommes habitués à une
réception des œuvres en général facilitée par des cimaises claires ou sombres
mais unies, par un alignement choisi et rigoureux. Notre œil, ainsi, peut
rester concentré sur ce qui se donne à voir. Ici, avec cet arrière-plan direct que
sont les poutrelles de bois qui laissent donc des vides à travers lesquels on
voit l’arrière-plan constitué lui aussi de poutrelles, de leurs ombres
projetées ou d’autres œuvres, l’œil peine à cerner individuellement une
peinture, étant constamment happé par le décor qui l’entoure. Mon regard
glissait ainsi d’une œuvre vers l’arrière-plan, de celui-ci aux ombres
projetées au plafond, puis au sol où étaient posés des tubes néon et des
projecteurs, puis à nouveau vers un œuvre à l’arrière-plan entraperçue entre
deux poutrelles de bois. Une circulation que rien dans sa frénésie de stimuli
ne parvenait à arrêter.
Le commissaire lui-même aura été
dans l’embarras, devant tant de vide, pour accrocher les œuvres. Aussi n’a-t-il
pas eu d’autre alternative que de rapprocher les œuvres afin d’effacer le plus
possible les trous, au point de les serrer si étroitement – un peu à la mode
d’un stand de foire, étiquettes comprises – qu’elles finissent par s’annuler les unes les autres.
Serait-ce à
dire, alors, que la qualité des peintures présentées ne résiste pas au décorum
de l’accrochage ? Autrement dit, la qualité d’une peinture serait-elle si
fragile qu’elle soit tributaire de son environnement immédiat ? Autrement dit
encore, la nature de l’environnement architectural serait-il à ce point
déterminant qu’il soit capable de neutraliser la qualité intrinsèque d’une
peinture ? Je me suis demandé comment la Madone Sixtine, la Joconde ou une
Annonciation de Fra Angelico aurait été transformée par ce genre d’accrochage.
Bien sûr notre œil aussi, avec l’éducation à regarder qu’il a reçue, y est pour
quelque chose.
Cependant, et c’est ma conclusion provisoire sans toutefois
répondre à la question posée ci-dessus qui demanderait un plus long
développement, ce que cette exposition montre à voir à la Kunsthalle de Bâle
est un concept d’exposition plutôt que des œuvres, qui de ce fait sont au
service du concept plutôt que d’elles-mêmes. Les explications du texte
d’exposition ne nous mène guère plus loin, puisqu’il prend les visiteurs par la
main et leur explique les sentiments et les émotions qui peuvent les saisir en
parcourant l’accrochage selon le seul point de vue du commissaire. Le ton du
texte d’exposition qui se veut badin, genre visite de musée en course d’école, illustre
une forme d’infantilisation des visiteurs découlant du fait qu’on ne leur
accorde aucune confiance en leur propre capacité à saisir un nouvel
environnement. Il renvoie de facto à la faiblesse du concept mis en œuvre, que
la référence à la philosophie de l’ontologie orientée à l’objet de Quentin Meillassoux
ne parvient pas à masquer.
LG
samedi 21 octobre 2017
Projet Bourbaki - les peintures
Laurent Guenat au pays des Bourbakis
Lorsque Laurent Guenat m’a proposé d’écrire ce texte, je pensais déjà bien connaître le projet Bourbaki – découvert partiellement au travers de photographies numériques que m’envoyait régulièrement l’artiste. J’avais déjà pu appréhender, au travers de ces envois, son approche du sujet : le gonflement d’une pâte rouge qui donne forme à des têtes de soldats, leurs peaux ou peut être leur sang.
Mais j’ai pris la vraie mesure de cet ensemble
Bourbaki, son ampleur, son ancrage sur les lieux et sa visée si personnelle,
lors de ma visite à l’atelier un soir de fin d’été, et que l’artiste m’a
proposé un lainage pour « résister » au froid déjà pénétrant dans cet
ancien site industriel sans chauffage. A mon arrivée dans le village, le
panneau annonçant le parcours thématique de l’Association Bourbaki Les
Verrières m’avait auparavant rappelé l’importance de cette thématique pour la
région.
A l’instar de son illustre prédécesseur Edouard
Castres (1838-1902), auteur des peintures du panorama de Lucerne réalisé en
1881 représentant la reddition de l'armée du général Bourbaki après la victoire
des Prussiens, Laurent Guenat n’est pas resté insensible aux souffrances de la
guerre franco-allemande de 1871. Vivant sur les lieux même de l’événement
historique, l’artiste a en effet senti un impératif besoin de dire dans sa
peinture les atrocités qu’ont subies les soldats de l’armée de l’Est blessés et
affamés qui ont passé la frontière suisse et déposé les armes aux Verrières, le
1er février 1871. Loin du compte-rendu historique, il aborde deux thèmes
principaux : les émotions qui habitent ces militaires en déroute, et leurs
ressentis face aux lieux d’accueil. Même si ces œuvres ont supposé de la part
de l’artiste des recherches préalables sur cet épisode historique (lecture de
la littérature, études de gravures, etc), elles sont surtout combinées à une
connaissance intime du terrain. Car, en revisitant l’épisode bourbakien, c’est
aussi son lieu de vie et son for intérieur que Laurent Guenat interroge. Initié
en mars 2016, ce corpus comprenant, à ce jour plus de 40
peintures de formats variés, se veut également un écho à la réalité des
réfugiés de notre temps. En réaction à cette problématique contemporaine,
l’artiste jette un regard distancié et critique sur les notions de frontière et
de nation.
En contrepoint, et pour explorer ses différents sujets, l’artiste a réalisé un ensemble de livres en carton, avec dessins et/ou
collages, qui déclenchent toute une gamme de résonances et sont indissociables
de ses peintures.
Paysages
En visitant l’atelier, on ne peut qu’être frappé
par la grandeur de certaines toiles de ce projet. Les paysages ont permis au
peintre d’entrer dans le vif de l’histoire des Bourbakis, et il a, du même
coup, ressenti le besoin d’explorer de très grands formats. Cette expansion
dans l’espace traduit sa volonté d’aboutir à un type de représentation lui
permettant de se confronter lui-même le plus possible à une expérience
« grandeur nature ». Cela est particulièrement perceptible dans ses
paysages qui évoquent le quotidien des soldats, sous équipés, dans le Jura
enneigé et glacial et la survie de ces hommes dans des conditions extrêmes.
![]() |
Creux Petou, acrylique, huile, plâtre, cendres sur toile |
L’impressionnante toile de 253 cm de haut sur 384 cm de large intitulée Creux petou se rattache, plus clairement que les autres de la série, à une forme de peinture d’Histoire. Sorte de nouveau panorama
Bourbaki, elle rend hommage aux chevaux (et du même coup aux hommes affamés ne
pouvant plus les nourrir) qui, selon la tradition orale, sont morts abattus ou
malades et jetés dans ce trou de 40 mètres de profondeur et 80 mètres de
diamètre. Il en résulte une toile comportant une forme impressionnante
qui attire le regard : symbole du cercueil ou de la fosse commune.
De la même manière, le collage, directement sur
la toile, de branchages séchés dans Abri2
ou Ouest charge ces peintures
d’une sorte de vitalité morbide. Ouest
a également une valeur « documentaire » : c’est par là que les
hommes passent, et les traces de sabots des chevaux et des chariots de
ravitaillement indiquent le sens de la marche.
![]() |
OUEST, acrylique, huile, plâtre, végétaux sur toile, 213 x 356 cm |
Certaines œuvres sont apparentées à des paysages
plus abstraits se rapprochant techniquement de la série des
« têtes », et traduisent la volonté du peintre de dire les
souffrances inscrites au cœur même de la terre. Ainsi, dans ses magnifiques Sous-sols II et III, les
résistances du papier superposé et amalgamé au plâtre, avec les résultats
imprévus de la matière sur la toile, illustrent cette lutte avec les éléments.
Nature investie par le temps, par la force destructrice des événements :
les chemins sont souvent défoncés et couverts de glace ou de gerçures. Dans Sous-sol
I, on peut même voir un gisant désignant clairement la mort ou plus
généralement l’idée du rapport fondamental entre le corps et la terre.
Corps
![]() |
généraux désarmés, 120 x 150 cm |
Après les paysages, Laurent Guenat s’est peu à
peu « approché » du sujet des hommes, en l’occurrence des corps, avant
de se consacrer à sa grande série des « têtes ». La réflexion sur ce
qui aliène l’homme est toujours au centre du travail de l’artiste. Les bustes
et personnages « hybrides », motif récurrent dans son œuvre, en sont
ici une nouvelle et puissante illustration. Masses de corps comprimés, chairs
morcelées suggèrent une humanité blessée. Comme souvent, une forme de sensualité
« à fleur de matériau » y est aussi présente. En 2015, Laurent Guenat commentant son oeuvre lors de son exposition personnelle à la galerie Selz, disait : «Les papiers de soie sont des peaux intermédiaires [...] que l'Homme dresse face à des attitudes apprises, imposées [...]». Ainsi ces généraux désarmés de cette série Bourbaki, qui se retrouvent pris au piège de leur propre corps de plâtre, ou ce soldat (Buste) se débattant dans sa chrysalide militaire.
Têtes
Après le travail sur ces questions d’emprisonnement corporel, a émergé
la série des têtes. Le livre d’artistes
intitulé mobiles, zouaves, turcos,
chasseurs… comportant de nombreux dessins des engagés est à la base de cette
série.
![]() |
Francs-tireurs, acrylique, plâtre, huile sur papier marouflé sur toile, 30 x 150 cm |
![]() |
7 des Garibaldiens d'Alger, acrylique, plâtre, cendres sur toile, 30 x 150 cm |
Car « c’est de l’intérieur » et
« sans compassion et sans pathos » que l’artiste fait passer
l’émotion originelle. Parfois du rouge sang mais surtout des couleurs
allusives, ternes et grises, que l’on associe immédiatement à la guerre et à la
mort. La
force de ces figures mutilées, expression de douleur, n’est pas sans évoquer
les Otages de Jean Fautrier.
En pleine nuit, des coups sur la porte, on assiste, par contre, à
une caractérisation nouvelle des visages - avec yeux, bouches et nez lisibles
-, traduisant peut-être mieux l’irruption de ces arrivants, chez l’habitant au
cœur de la nuit.
En vérité, c’est comme si ces visages évoluaient et
endossaient une identité propre au moment où ils sont accueillis dans les
foyers helvétiques – la forme abstraite, « anonyme », étant rendue
caduque par la reconnaissance de leur personne. Cette nouvelle nécessité du trait
est également liée à deux nouveaux livres que l’artiste réalise parallèlement à
cette série : 87'000 et histoires comportant des dessins à
l’encre de chine réalisés de la main gauche.
![]() |
...des coups sur la porte, 218 x 135 cm |
A travers cet ensemble de
portraits, Laurent Guenat propose aussi une réflexion sur la notion d’identité
et exprime son malaise face à la violence et à la problématique du racisme
contemporain.
Lieux d'accueil
En travaillant plus spécifiquement sur la question de
l’accueil des Bourbakis, l’artiste souhaite attirer davantage l’attention sur
ce qui lui tient à cœur : l’accueil des réfugiés actuels ou leur
exclusion. Il m’a alors m’a confié qu’il ne pouvait le faire ni en travaillant
à partir des images d’époque, ni en explorant les habitats ruraux actuels. Il
lui fallait donc transposer des images qui représentent les conditions
d’accueil contemporaines. Cette partie, encore en pleine gestation, lui a posé
encore plus de questions relativement aux cadrages, à l’exposition et aux choix
des objets à représenter, mais aussi à la nature du support (toile, métal,
collages, etc). Il en résulte un vaste programme iconographique évoquant des
éléments d’intérieurs d’époque, de bivouacs ou de casernes, le tout faisant
échos aux lieux d’accueil des réfugiés d’aujourd’hui.
Chaise :
Cette œuvre est singulière par la représentation de la chaise qui y est figurée
en son centre, isolée, concentrant à la fois l’idée de la solitude et la misère
de la situation. Cette œuvre se distingue de la série par une dimension plus
clairement narrative. On retrouve cette dimension dans bivouacs II et III où les
adjonctions de porcelaine cassée et de cendres prises dans la matière picturale
(figurant des restes de foyer) transportent le spectateur dans un univers
habité d’histoires, de souvenirs, d’interprétations.
![]() |
bivouac3, acrylique, huile, plâtre, cendres, porcelaine sur toile, 130 x 180 cm |
Dans ces œuvres, Laurent
Guenat réinterprète ses têtes (ici marouflées sur toile) comme des fantômes des
soldats ayant séjourné dans ces campements de fortune. Le livre Bivouac, qu’il a réalisé, une fois de
plus parallèlement à ses peintures, forme d’ailleurs comme une sorte de journal
« atmosphérique » du terrain (avec des collages de cendre et de
végétaux). Ce « voyage » que nous propose Laurent
Guenat, entre abstraction et figuration, laisse au spectateur la liberté de se
représenter l’histoire des Bourbakis. Le recours à l’utilisation de matériaux vivants
(collage de tiges de gentianes que l’artiste a lui-même ramassées sur le chemin
de l’atelier, jouant sur la fragilité et la transformation), sa discipline
personnelle (repasser par les mêmes lieux bourbakiens enneigés, travailler à
l’atelier en plein hiver par 5 degrés) ont permis à l’artiste de
« régler » son propre rapport à l’Histoire en interrogeant ses
propres limites.
Un ensemble d’expériences artistiques qui a
contribué à la justesse de l’expression de ce vaste projet. Loin d’être
terminé, ce programme donnera encore lieu à de nouvelles explorations,
notamment des installations et des vidéos qui sont en cours de réalisation.
Géraldine Veyrat,
historienne de l’art, Genève
Pour trouver plus d'informations relatives à l'épisode historique des "Bourbakis": Association Bourbaki Les Verrières
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